Se marier en France avec un contrat de séparation de biens et Divorcer en Israël – Le point juridique
Dans le cadre des domaines d’expertise du Cabinet, nous souhaitons présenter ci-après une actualisation en droit international de la famille et plus précisément sur les questions juridiques ayant trait à des époux mariés en France et signataires d’une convention financière en France, laquelle instaurant un régime de séparation de biens conformément aux dispositions de la loi française afin que chaque époux conserve la propriété, la gestion et la libre utilisation des biens qui lui appartiennent au moment de la signature de ladite convention ainsi que des biens qui seront reçus pendant le mariage[1].
De quelle manière devront s’articuler la compétence du Tribunal et le droit applicable lorsque l’un des conjoints d’un couple marié en France et signataire d’un contrat de séparation en France, ayant immigré en Israël, souhaite engager une procédure de divorce en Israël et faire valoir ladite convention en Israël ?
Conformément à la Loi israélienne, la Loi applicable aux relations financières entre époux sera celle du lieu de résidence desdits époux au moment du mariage[2]. Ainsi, pour les époux qui se sont mariés après 1992 et ont signé un contrat de séparation de biens par devant notaire avant union en France, la Loi française sera appliquée par les Tribunaux israéliens[3].
Par conséquent, dans le cas d’un couple marié sous le régime séparatiste et qui a signé un contrat de séparation de biens comme précédemment énoncé, lequel immigre en Israël pour ensuite demander le divorce dans ce pays – la Loi française s’appliquera par devant même les Tribunaux israéliens[4]. Il est à noter que l’application de cette dernière par le JAF (Juge aux Affaires Familiales) israélien se fera dans son intégralité et prendra même en considération l’esprit qui l’accompagne, incluant doctrines et notions jurisprudentielles[5], conformément à la position des Tribunaux français selon laquelle le régime séparatiste ne doit léser aucune partie lors de l’application des principes généraux propres à chaque époux lors d’un divorce.
Cette application nécessitera donc l’ouverture d’une procédure contentieuse près le Tribunal des Affaires familiales en Israël, dans le cadre de laquelle le JAF israélien fera appel dans la majorité des cas à un expert israélien en droit français déposant au JAF compétent une expertise juridique explicitant en hébreu les dispositions du droit français quant au cas d’espèce israélien qui se présente à lui[6].
Le JAF étudiera alors si la convention financière signée en France par les époux leur imposant un régime de séparation de biens est juridiquement applicable, prenant en considération d’une part l’éventuelle volonté des époux à faire valoir la Loi israélienne à la place de ladite convention lors de leur installation en Israël, et d’autre part, les différentes attaches les liant encore à la France et ce à la fois pendant le mariage que lors de la procédure de divorce (adresses fiscales, allocations, citoyennetés des époux, , scolarité des enfants, allers-retours etc…)[7].
Qu’en est-il de la résidence familiale enregistrée au nom des deux époux en Israël selon la loi française ?
En Israël, la loi veut que l’inscription d’un bien pour la copropriété des époux indique leur intention de partager les droits sur ledit bien entre eux à parts égales. En France en revanche, le régime de la séparation des biens distingue l’inscription du bien de son financement[8]. C’est-à-dire qu’au moment de la division de la propriété, il peut être prouvé que, malgré l’enregistrement conjoint du bien, si le financement de la propriété a été effectué par un seul des époux, ce dernier se trouve en droit d’exiger une compensation financière au moment de la dissolution du régime matrimonial.
Ce dernier serait-il en droit de réclamer l’intégralité du financement de la résidence conjugale ?
Comme expliqué précédemment, la loi française est dans ce cas appliquée par les Tribunaux israéliens, et cette dernière n’a pas occulté l’importance capitale de la résidence familiale pour le couple en cours de divorce. Il a été acté que l’estimation de la participation d’un conjoint au financement de ladite résidence ne se fera pas exclusivement par l’étude des revenus du conjoint, mais aussi par la considération de sa participation à la gestion du ménage, de sa contribution aux charges du mariage et à l’éducation des enfants au fil des années.
Par conséquent, le conjoint qui porte principalement la charge financière de la famille et qui souhaiterait à ce titre prétendre avoir financé seul les charges du foyer, ne pourra réclamer automatiquement la restitution de l’intégralité du financement de la résidence conjugale[9].
Prestations compensatoires
Conformément à la loi française, la partie dont le niveau de vie personnel est susceptible de diminuer du fait de la rupture du mariage aura le droit de réclamer une indemnité compensatoire calculée selon des critères déterminant l’écart de niveau de vie causé par le divorce, en considération de la durée de mariage, leur âge et leur état de santé, leur formation et leur situation professionnelle, leur capital estimé et attendu, leur participation au foyer etc.…[10].
Malgré l’absence de jurisprudence israélienne tranchée à ce propos, les Tribunaux israéliens reconnaissent la complexité et l’importance de telles compensations, ouvrant le champ à d’éventuels accords transactionnels à l’amiable entre les parties.
En conclusion
A la lumière de ce qui a été énoncé précédemment, les juridictions israéliennes ordonnent la remise d’une expertise en droit français dont le rôle est, outre d’envisager une juste répartition des biens entre les époux, de donner un avis précis et actualisé sur les droits de ces derniers et ce en conformité avec le droit français, lequel sera appliqué dans son ensemble concernant le volet patrimonial.
Aussi et afin que ces problématiques soient intégrées par lesdites juridictions, et qu’il devienne possible de mener une procédure classique de séparation de biens entre époux mariés en France et résidants en Israël, la consultation préalable d’un Cabinet d’avocats spécialisé dans le domaine civil et familial en Israël selon le droit français se révèlera d’une impérieuse nécessité.
[1] Articles 1536 à 1541 du Code civil
[2] Article 15 de la loi israélienne sur les relations financières entre les époux, 1973
Article 3 de la convention de la Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux
[3] Idem, Article 7
[4] 66/88 Tamar Decker c. Felix Decker, Mag (1) 122 (1989).
[5] 10621/05 M.I c. M.A, (JAF Jerusalem) (2007)
[6] Article 88 du code de procédure civile israélien (2018)
[7] 62045-06-16 B. c. D.S. (JAF de Tel-Aviv Yafo) (2016)
[8] Article 1543 du Code civil
[9] Cour de Cassation le 12 juin 2013 n° 11-26748
[10] Idem, Articles 270-271
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