Arrêt CAA Toulouse 13 octobre 2022 n° 20TL22832
Par cet arrêt, la Cour Administrative d’appel de Toulouse va enfin se positionner sur la portée à donner à la restriction contenue dans l’article 4.1.de ladite Convention franco-israélienne.
Doit-on y entrevoir une première entorse à l’outil multilatéral signé par Israël le 7 juin 2017 concourant à l’élimination des doubles non-impositions, ou bien s’agit-il de la bonne application de la volonté du législateur s’agissant d’un avantage fiscal maîtrisé n’entravant pas les règles visant à prévenir l’évasion et l’optimisation fiscale.
Il sera ainsi étudié le cas d’un couple de retraités ayant déménagé en Israël au cours de l’année 2014, et pour lesquels le fisc français n’a pas voulu leur reconnaitre la qualité de Résident au sens de la Convention franco- israélienne et ainsi l’application de l’article 18 de ladite Convention attribuant à Israël le privilège d’imposition des pensions de retraites privées.
En effet, au motif d’une exonération d’impôt en Israël sur les retraites de source française perçues par ces derniers, le fisc français a fait application de son droit local plutôt que conventionnel et a procédé aux rappels d’impôts y afférents.
I. Rappel des dispositions de l’article litigieux 4.1 de la Convention franco-israélienne de non double imposition
Aux fins de comprendre l’ensemble des développements à venir, il est ainsi rappelé les dispositions de cet article litigieux 4.1 de ladite Convention :
- Est Résident au sens de la Convention la personne qui est assujettie dans l’Etat concerné, conformément à la législation de ce dernier, à l’impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère analogue,
- En revanche est exclue la personne qui est assujettie à l’impôt dans cet Etat que pour les revenus y trouvant leur source.
En d’autres termes, et à première lecture – jusque-là appliquée par le fisc français, était à exclure le nouvel immigrant des dispositions de ladite Convention, en ce que ce dernier ne pouvait être qualifié de Résident eu égard au régime de faveur qui lui était appliqué et qui conduisait au non assujettissement à l’impôt israélien des revenus de source étrangère à Israël.
Il était ainsi fait application des jurisprudences du Conseil d’Etat Sté Santander Pensionnes et min c/ LVH en date du 9 novembre 2015, aux termes desquelles il ne pouvait être reconnu la qualité de résident à une personne entièrement exonérée d’impôt dans cet Etat en raison notamment de son statut.
II. Un nouvel immigrant se verra reconnaitre la qualité de Résident au sens de ladite Convention dès lors qu’aura été établi un lien personnel avec l’Etat concerné
Par ce présent arrêt la Cour Administrative d’Appel de Toulouse aura une position tout autre, dès lors qu’elle ne va exclure la qualité de résident d’un Etat uniquement aux personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet Etat que pour les revenus source de cet Etat et pour des raisons étrangères à l’existence d’un lien personnel avec ledit Etat.
Autrement dit, la Cour va considérer que la qualité de Résident d’un Etat contractant au sens de ladite Convention n’est subordonnée qu’à la seule condition que la personne qui s’en prévaut soit assujettie à l’impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence ou d’un lien personnel analogue et non l’existence d’une obligation fiscale illimitée.
Ainsi, un nouvel immigrant se verra reconnaitre la qualité de Résident au sens de la Convention dès lors qu’un lien personnel avec l’Etat concerné (Israël en l’occurrence) aura été établit quand bien même ce dernier bénéficierait d’un régime fiscal de faveur, qui plus est, temporaire.
En effet, et pour rejoindre plusieurs jurisprudences récentes initiées par le Conseil d’Etat, lorsqu’une personne est, du fait de son domicile ou de son siège, passible de l’impôt dans cet Etat sur une base illimitée mais qu’elle y bénéficie d’un régime dérogatoire excluant de son assiette les revenus de source étrangère, cette limitation ne suffit pas à remettre en cause le fait que cette même personne reste assujettie à l’impôt dans l’Etat concerné en raison de son domicile ou de son siège.
Plus précisément, l’exonération fiscale temporaire accordée par le fisc israélien sur les revenus de source étrangère n’étant pas fondée sur la volonté d’Israël de considérer le nouvel immigrant comme un non résident, l’assiette d’imposition réduite qui leur est ainsi applicable est sans lien avec des considérations de source des revenus concernés.
En d’autres termes, pour exclure le nouvel immigrant des dispositions de la Convention franco-israélienne en ce qu’il ne serait pas Résident au sens de cette dernière, il s’agirait de rapporter la preuve que ce dernier n’a pas de domicile ou de siège en Israël lui permettant d’être considéré comme résident fiscal israélien au sens du droit fiscal israélien.
Pour en revenir à notre cas d’espèce, le couple de retraités s’est ainsi vu appliquer les dispositions de la Convention franco-israélienne, et notamment en son article 18 – imposition des retraites privées en Israël, alors même que ces derniers étaient de nouveaux immigrants, et ce en lieu et place de la législation locale française.
En d’autres termes :
- Ne sont exclues de la Convention, en ce que dépourvues de la qualité de résidents au sens de ladite Convention, que les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet Etat sur les revenus de source de cet Etat pour des raisons étrangères à l’existence d’un lien personnel avec ledit Etat,
- Donc un nouvel immigrant en possédant un lien personnel avec Israël, se doit être considéré comme résident au sens de la Convention sans aucune considération de l’applicabilité d’un quelconque régime de faveur,
- Un nouvel immigrant n’aurait donc plus besoin de rapporter la preuve d’une imposition en Israël de ses revenus mondiaux pour bénéficier des dispositions de la Convention, il lui suffirait juste de rapporter l’existence d’un lien personnel avec Israël les rendant potentiellement imposable en Israël – la source et le type de revenus n’étant ainsi pas pris en compte.
S’agissant d’une juridiction potentiellement susceptible d’un pourvoi, il s’agira de suivre assidument l’actualité administrative, et de procéder le cas échéant et rétroactivement, aux déclarations d’impôt y afférentes.
NB : Cet article est donné à titre indicatif, par conséquent chaque dossier/cas devra faire l’objet d’une étude circonstanciée, en ce sens les informations contenues dans cet article ne sauraient constituer une consultation juridique.