Aux termes de deux nouveaux arrêts, la notion de résidence fiscale a été largement remise à l’honneur au cours du mois de mars 2018. Il s’agira, par la suite, afin d’en comprendre leur portée de bien faire la distinction entre la résidence fiscale locale (française en l’occurrence) et la résidence fiscale telle que définie par les conventions bilatérales.
A titre liminaire :
Il a été rappelé aux termes d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris en date du 15 mars 2018 n° 17PA01909 que le centre des intérêts vitaux, sous réserve de revêtir la qualité de résident fiscal au sens de la convention concernée, en l’espèce la convention franco-britannique du 19 juin 2008, devait être fixé dans le pays avec lequel les liens personnels et économiques qu’entretenait ledit résident étaient les plus étroits.
Plus particulièrement, afin d’établir une résidence fiscale dans un pays plutôt que l’autre, la Cour a apprécié l’importance des liens eu égard :
- Au lieu de résidence familiale du contribuable,
- Aux évènements familiaux intervenus au cours de la période litigieuse : naissance d’un enfant en l’espèce,
- Au lieu de situation du patrimoine immobilier du contribuable : en l’occurrence, ledit contribuable avait un patrimoine immobilier plus important dans un des deux pays cités par l’affaire.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat a, quant à lui, dans un arrêt en date du 5 mars 2018, n°400329, repréciser la notion du centre des intérêts économiques du contribuable en ce que l’article 4 B du Code Général des Impôts dispose que la résidence fiscale du contribuable doit être située en France sur ce fondement lorsqu’il n’a pu être établi, en France, un foyer ou un lieu de séjour principal, le cas échéant, l’exercice à titre principal d’une activité professionnelle.
Par suite, et toujours selon cette jurisprudence, a le centre de ses intérêts économiques en France, le contribuable dont les revenus de source française sont nettement supérieurs aux revenus de source étrangère.
En d’autres termes, les juges procèderont, dans un premier temps, à une appréciation des revenus perçus par le contribuable dans chacun des pays concernés.
De même que les critères édictés par l’article 4 B du Code Général des Impôts afin d’établir un domicile fiscal en France devront être étudiés de manière alternative et non cumulative comme l’ont soutenu, à tort, les requérants de cette affaire.
Par ces deux affaires, on constate un établissement de la résidence fiscale toujours délicat et litigieux, d’autant plus lorsque ladite notion revêt un sens différent selon le droit applicable, local ou conventionnel.
On comprend dès lors l’intérêt que cela représente pour chacun des Etats concernés en ce que, pour reprendre les termes utilisés par la législation française en son article 4 A du Code Général des Impôts, mais dont la portée est plus ou moins similaire au sein des autres législations :
« Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus.
Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ».
Il convient, par suite de rappeler, afin de saisir l’intérêt de ces deux jurisprudences, qu’une résidence fiscale se doit toujours d’être appréciée selon les termes de la législation nationale des pays concernés dans un premier temps. Il ne s’agira de considérer les conventions bilatérales conclues entre les Etats que lorsque l’étude des législations locales aura conduite à une imposition multiple sur un même revenu.
En vertu de l’article 4 B du Code Général des Impôts, le domicile fiscal est rattaché à la France, lorsque alternativement, l’un des trois critères ci-dessous énumérés est rempli, à savoir :
Un foyer ou un lieu de séjour principal en France : critère personnel
- Une activité professionnelle exercée, en France, à titre principal : critère d’ordre professionnel,
- Un centre des intérêts économiques situés en France : critère économique.
S’agissant du premier critère, il est important de remettre les choses dans leur contexte en ce que beaucoup apprécient à tort ce dernier en se basant sur le nombre de jours de présence à titre principal en France (183 jours).
Selon une jurisprudence constante, le lieu de séjour principal est exclusif du lieu du foyer fiscal, et de ce fait il ne peut être basé un domicile fiscal sur le fondement du lieu de séjour qu’à la condition qu’un foyer fiscal ne puisse être déterminé.
L’étude n’en demeure pas moins simple, en ce que quand bien même on déterminerait le lieu du domicile fiscal dans le pays du lieu de séjour principal, une jurisprudence du Conseil d’Etat en date du 19 novembre 1969, n° 75925 considère qu’il ne suffit pas de démontrer avoir passé moins de 183 jours en France pour ne pas se voir rattacher un domicile fiscal en France, encore faut-il rapporter la preuve d’avoir passé plus de temps dans un autre pays que la France.
S’agissant des deux derniers critères de l’article 4 B du Code général des impôts, il s’agira de faire la distinction entre :
- L’exercice d’une activité principale en France,
- L’importance des revenus totaux perçus.
Sur ce dernier critère, et pour en revenir à notre arrêt, le Conseil d’Etat n’a fait que préciser des jurisprudences antérieures qui ont considéré que préalablement à toute étude comparative des patrimoines mondiaux, les juges apprécieront l’importance des revenus mondiaux pour fixer, in fine, la résidence fiscale dans le pays source des revenus majoritaires.
En d’autres termes, une étude des patrimoines ne sera effectuée que lorsque cette première étude n’aura pas été concluante.
Par ailleurs, et pour en revenir à notre second arrêt qui fait appel à une définition tout autre de la résidence fiscale en ce qu’il s’agit non plus d’appliquer des textes nationaux mais bien conventionnels.
Il est rappelé dans un premier temps, que les critères énoncés par les conventions bilatérales de non double imposition, et notamment aux termes de la conventions franco-britannique en date du 19 juin 2008, ne peuvent être appliqués qu’au résident qui en vertu de la législation de l’Etat contractant concerné est assujetti à l’impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son lieu d’enregistrement ou de tout autre critère de nature analogue […].
Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet Etat que pour les revenus et les gains en capital de sources situées dans cet Etat.
Entre d’autres termes, et s’agissant du cas des nouveaux immigrants ou « olim hadashim », pour lesquels la convention franco-israélienne du 31 juillet 1995 reprend les mêmes termes, ladite convention ne saurait trouver à s’appliquer.
Si l’arrêt susvisé n’a pas développé ce point, en ne s’attardant que sur la définition du centre des intérêts vitaux, la question demeure primordiale et fait l’objet de nombreux débats.
En effet, et plus particulièrement le non assujettissement des nouveaux immigrants à l’impôt sur les revenus israéliens s’agissant des revenus de source non israélienne doit-il se traduire par la non application de ladite convention fiscale ?
Bien que la jurisprudence ne se soit pas positionnée précisément sur le cas de la convention franco-israélienne, un arrêt du Conseil d’Etat en date du 9 novembre 2015, n° 371132, Sté Santander Pensiones SA EGFP, a indiqué sur le fondement de l’article 4 de la convention franco-espagnole du 10 octobre 1995 que ne pouvait être résident d’un Etat contractant au sens de la Convention les contribuables non soumis à l’impôt de l’Etat contractant par l’effet d’une exonération ou d’une mesure fixant l’impôt à un taux nul.
La condition d’assujettissement est donc interprétée par les juges dans son sens large et rejoint, en conséquence, la logique initiale des conventions bilatérales dont l’objectif est d’éviter les doubles impositions.
En effet, comment peut-on parler de double imposition si en réalité le contribuable n’est redevable de l’impôt que dans un seul pays.
Il s’agit d’une position néanmoins discutable en ce que les termes utilisés dans les conventions peuvent revêtir plusieurs sens tel que « assujetti », etc.
Il n’en demeure pas moins qu’en cas d’imposition à taux zéro ou d’exonération, la double imposition n’existe en réalité plus ce qui exclut, dès lors, l’application de la convention bilatérale.
Cela étant dit, il s’agit de revenir sur notre arrêt qui définit le centre des intérêts vitaux.
Avant de développer ce point, il est à préciser d’une part que les critères permettant d’établir le lieu de résidence fiscale dans les conventions bilatérales sont successifs.
D’autre part, les définitions conventionnelles présentent des différences majeures par comparaison aux textes législatifs nationaux.
En effet, à la lecture de cet arrêt, il est constaté que les intérêts professionnels du contribuable seront englobés dans une étude beaucoup plus large qui prendra en compte les critères personnels.
Il est également à préciser que si cet arrêt définit la notion de centre des intérêts vitaux, il est à déduire que la première étude ayant été effectuée est celle du foyer permanent d’habitation.
Il est à noter de plus, s’agissant de la définition donnée au foyer d’habitation permanent, que cette dernière pourra être différente selon que la convention l’employant suive le modèle OCDE et dans ce cas la disposition d’une résidence de manière durable suffira à caractériser l’existence d’un foyer d’habitation permanent.
Dans le cas où le modèle OCDE n’aurait pas été suivie, cela dépendra des termes employés par lesdites conventions, néanmoins, souvent les notions de foyer d’habitation permanent et le centre des intérêts vitaux coïncideront.
Pour conclure, le lieu de résidence fiscale ne pourra jamais être choisit par le contribuable qui devra, in fine, interpréter sa situation par application des textes nationaux et internationaux.
Il est à préciser que les manœuvres mises en place par les contribuables afin de faire coïncider leur résidence fiscale dans le pays qu’il juge plus favorable à ses intérêts seront d’autant plus risquées notamment depuis la loi du 8 décembre 2013 relative à la répression de la grande délinquance financière et fiscale votée suite à l’affaire Cahuzac.
En effet, les moyens d’investigation mis en œuvre par le fisc sont de plus en plus renforcés et forçant ainsi le contribuable à établir sa résidence fiscale conformément aux faits et textes applicables indépendamment du régime fiscal applicable dans le pays concerné.
Eu égard à la complexité de ces différentes notions toutes liées les unes aux autres, seule l’étude d’un spécialiste en la matière pourra permettre une compréhension conforme au cas d’espèce présenté.
Cet article ne constitue pas une consultation juridique, de mêmes que les informations contenues aux termes de la présente note devront être adaptées en fonction de la situation de chacun des contribuables concernés.