La réforme européenne des successions internationales et ses conséquences en Israel

Posted by on janv. 16, 2017 in Alyah Israel, Blog, Fiscalité Israel-France, Successions Israel-France

la réforme européenne des successions internationales et ses conséquences en Israel

Le règlement  européen n°650/20121 du 4 juillet 2012 (ci-après RE), ratifié par 25 des 28 Etats de l’Union Européenne (UE), dont la France, est entré en vigueur le 17 août 2015 ce qui modifie notre « Droit international privé », branche du droit qui règle les conflits de lois et les conflits de juridictions.

Ce type de conflits résulte du décès d’une personne possédant des biens dans différents Etats, ou résidant dans un Etat dont il n’a pas la nationalité, ou encore national d’un Etat non membre de l’Union Européenne et national d’un Etat membre de l’Union Européenne.

Ce Règlement résout les conflits de loi et ne donne pas de solution matérielle. Ainsi le règlement va désigner le système légal d’un Etat comme compétent pour gérer la succession, et c’est ensuite le droit international privé de cet Etat qui va déterminer les règles matérielles  applicables à la dite succession.

Il convient de préciser que ce règlement à une valeur universel (Article 20) ; cela signifie que les Etats Membres de l’UE doivent appliquer la loi désignée par le RE quand bien même il désigne la loi d’un Etat tiers et cette loi est applicable dans les Etats Tiers du point de vue des Etats Membres.

 

I) Le principe de la résidence habituelle du défunt

L’article 21 §1 dispose que le lieu de résidence habituelle du défunt au moment de son décès détermine la loi applicable à la succession

A) La résidence habituelle déterminant la loi applicable

Les dispositions de l’article 21 permettent de désigner  la loi de l’Etat de résidence du défunt comme loi applicable sur l’ensemble de la succession. Cela suppose un lien étroit et stable  qui se définie par  « la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’Etat concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence » (Considérant 23 du RE).

Il s’agit là d’une nouveauté et d’une unification du droit des successions. Jusqu’alors s’opposait deux systèmes:

  • Le système de scission (système français) qui considère comme loi applicable celle du lieu de résidence du défunt pour les biens meubles et celle du lieu de situation pour les biens immeubles. Cela entraîne l’application de deux lois à une même succession en fonction du type de bien.
  • Le système d’unité (choisi par l’Allemagne) qui considère que pour tous les biens, la loi applicable à la succession est celle de la nationalité du défunt ou celle de son dernier domicile.

Cela répond à une nécessité urgente du fait de l’explosion de la mobilité internationale des personnes.

Néanmoins, le RE n’intervient pas dans le droit interne même si indirectement il impact sur la désignation des héritiers et les parts qui leurs sont accordées.

Il n’intervient pas non plus dans le domaine fiscal, ce qui peut au grès des cas alourdir la taxe sur la succession ou l’alléger. Par exemple, si la loi civile étrangère octroie au conjoint survivant une part héréditaire plus importante que celle prévue par la loi successorale française, les enfants recueillant le reste. Dans ce cas, la fiscalité successorale due en France devrait être plus faible du fait que les enfants sont soumis à des droits de succession alors que le conjoint survivant en est exonéré.

S’il est bien une constante à tout principe c’est celle de l’existence d’exceptions. Le principe du RE n’y échappe pas. Et plusieurs cas d’exclusion du  principe de la résidence habituelle du défunt sont à envisager.

B) Les exceptions au principe de la résidence habituelle

La résidence alternée :

Lorsque le défunt vit de manière alternée entre le pays de sa nationalité et un autre pays, le RE article 21 paragraphe 2 écarte le lieu de résidence habituelle au profit du lieu avec lequel le défunt présente le plus d’affinité pour cela est utilisé un faisceau d’indice. Ainsi vont être pris en compte la nationalité du défunt, ses centres d’intérêts principaux, la localisation de sa famille et son patrimoine.

Cela peut avoir un impact direct en particulier pour les partisans de la Alyah Boeing. Cette catégorie de nouveaux immigrants qui possèdent leurs centres d’intérêts économique en France, un patrimoine en France et souvent de la famille ainsi que la nationalité française peuvent se voir imposer une ouverture de la succession selon le droit français en application du RE qui n’est peut-être pas ce qu’ils auraient désiré.

Ordre Public International (OPI) considère ces principes comme faisant partie intégrante des valeurs fondamentales d’un Etat.

Sont contraires à l’OPI français les règles discriminatoires dans le partage de la succession basées sur le sexe, l’ordre de naissance ou la religion. Dans ces cas la loi étrangère est écartée comme contraire à l’OPI.

Donc, la France peut écarter certaines lois étatiques désignées compétentes par le RE dès lors qu’elles sont contraires aux règles d’OPI français.

Au surplus, il existe un mécanisme en droit international privé qui s’appelle le renvoi. A savoir la loi étatique désignée compétente, détermine par renvoi une loi d’un autre Etat comme compétente.

En pratique, le RE va désigner comme loi compétente celle du lieu de résidence habituelle du défunt. Maintenant si le droit international privé de ce pays désigne comme compétente la loi nationale du défunt, si le défunt est de nationalité française la loi applicable sera la loi française par renvoi. Il s’agit donc d’une troisième exception au principe du lieu de résidence habituelle.

L’incertitude quant à l’application du principe de la résidence habituelle du défunt met en exergue la nécessité de la seconde nouveauté du RE qui est la professio juris.

II) L’intérêt particulier du professio juris :

Le professio juris est le choix par le défunt avant sa mort de la loi applicable à sa succession. Il convient d’analyser quel choix est laissé au défunt (A) ainsi que la valeur de ce choix devant les juridictions israélienne (B).

  1. Le choix de la loi national du défunt :

La professio juris présente un intérêt :

— pour les personnes amenés à changer de résidence, soit au cours de leur vie professionnelle, soit au moment de prendre leur retraite ;

— pour les personnes qui réalisent des investissements dans plusieurs Etats.

Elle leur permet d’assurer le maintien de la loi successorale applicable (la loi de leur nationalité) quel que soit leur lieu de résidence ou le lieu de leurs investissements. Ainsi un franco-israélien pourra au choix choisir la loi française ou israélienne comme applicable à sa succession.

Elle peut également permettre de soumettre à la loi d’un même Etat son régime matrimonial, ses donations et sa succession, facilitant ainsi le règlement de cette dernière.

Ce choix se fait du vivant du défunt par déclaration revêtant la forme d’une « disposition à cause de mort ». A savoir dans la forme d’un testament, à savoir par écrit et de préférence par acte notarié.

 

Si la résidence habituelle du défunt est sur le territoire d’un Etat membre : en principe, les juridictions compétentes sont celles de cet Etat membre (article 9 du RE).

Deux exceptions existent en cas de professio juris en faveur de la loi nationale d’un Etat membre :

— si les héritiers en font la demande, la compétence peut être attribuée aux juridictions de cet Etat membre ;

— si les juridictions du lieu de la résidence habituelle considèrent que les juridictions de l’Etat membre bénéficiaire de la professio juris sont mieux placées pour statuer sur la succession, elles peuvent sur demande de l’une des parties, décliner leur compétence (article 5 et 6 du RE).

Si la résidence habituelle du défunt est sur le territoire d’un Etat tiers : les juridictions des Etats membres où des biens sont situés sont compétentes pour l’ensemble de la succession si :

  • le défunt possédait la nationalité de cet Etat membre au moment du décès ou à défaut ;
  • s’il avait sa résidence habituelle dans cet Etat membre moins de cinq ans auparavant.

A défaut, les juridictions d’un Etat membre sont compétentes pour statuer uniquement sur les biens situés sur leur territoire (article 10 du RE).

 

  1. La valeur de ce choix devant les juridictions israéliennes :

Lorsqu’une succession se présente devant une juridiction française depuis le 17 août 2015, celle-ci tenu par la règle du RE ne peut refuser l’application du professio juris  qu’en vertu des règles d’OPI français ou en vertu du principe du renvoi. Et les règles précitées s’appliqueront totalement.

Le problème se pose de savoir dans un cas d’ouverture d’une succession en Israël d’un binational franco-israélien qui résidait habituellement en France et qui a rempli un professio juris en faveur du droit israélien.

En effet, la loi israélienne désigne le lieu de résidence habituelle comme législation applicable, en l’espèce la France. Mais la France depuis l’application de ce règlement va désigner Israël comme Etat légalement compétent puisqu’il existe ce professio juris. Quid de la situation.

Il conviendra surement de procéder à une reconnaissance du professio juris devant la juridiction israélienne avec la mise en place d’une expertise juridique détaillée pour appuyer la demande auprès du juge israélien de reconnaitre un tel professio juris.

 

Conclusion :

Ce règlement a amené de nombreux changements dans la manière d’aborder les successions internationales et en a simplifié de nombreux points. Cependant en ne remplissant qu’un rôle de gestionnaire de conflit de loi il laisse en suspens des questions sur les lois matérielles applicables, ainsi que sur le volet fiscal des successions qui n’est pas impacté par ce règlement.

En tout état de cause, il conviendra d’étudier attentivement chaque cas avant d’envisager la rédaction d’un testament et ce afin de s’assurer que l’ensemble de ces éléments auront bien été pris en compte.