Le 16 Septembre 2011 à Tel-Aviv en Israël, une jeune femme dénommée Lee Zeitouni est renversée par deux chauffards français, elle est tuée sur le coup. Précipitamment, les auteurs de cet homicide, de nationalité française, prennent la fuite vers la France par le premier avion. Au-delà de l’émotion suscitée par ce fait divers tragique, c’est à l’état du droit actuel et aux accords entre la France et Israël au sujet de l’extradition qu’il est nécessaire de s’intéresser afin d’identifier les causes de ce blocage politico-judiciaire et la polémique qui en est résultée.
En effet, sur le plan du droit pénal international, lorsque les personnes poursuivies quittent le pays, où elles sont accusées d’avoir commis une ou plusieurs infractions ou ont déjà été condamnées pour ces dernières, afin de se réfugier dans un pays tiers, le mécanisme de «l’extradition» peut se révéler un outil juridique international efficace permettant de poursuivre au-delà des frontières les auteurs d’infractions.
L’extradition, prévue par la Convention Européenne d’Extradition signée par la France le 13 Décembre 1957 et par l’État d’Israël le 27 Septembre 1967, pose les principes de la mise en œuvre d’une procédure juridique spécifique par laquelle un État – appelé «État Requis» – livre l’auteur d’une infraction, se trouvant sur son territoire, à un autre État – appelé «État Requérant» –, afin qu’il puisse y être jugé ou y exécuter sa peine. L’évolution de la jurisprudence en la matière atteste des échanges croissants entre les pays.
Mais les enjeux économiques, notamment l’entrée d’Israël dans le cercle fermé de L’OCDE le 10 mai 2010, accentuent la coopération pénale pour laquelle Israël accorde désormais une place de tout premier plan.
Plus précisément, s’est développée une entraide pénale bilatérale entre la France et Israël. Dans ce contexte, la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale STCE n°030, également ratifiée par les deux pays a posé les principes de cette coopération.
L’extradition peut être demandée par tout Etat signataire à un autre Etat signataire pour toutes les infractions punies par les lois des deux Etats d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté d’au moins un an ou d’une peine plus sévère. (Article 2)
Émettant une réserve, la France a pour sa part fixé à 2 ans minimum la peine encourue par les personnes poursuivies aux fins de mettre en œuvre la procédure d’extradition. L’État d’Israël, dans le cadre de la loi relative à l’extradition de 1954 amendée en 2001 a fixé à un an cette peine minimum.
Si en principe, le domaine de mise en œuvre de la Convention permet ainsi de réprimer toutes les formes de criminalité telles que les infractions pénales de droit commun (viol, meurtre, infractions relatives aux stupéfiants) mais également et de plus en plus fréquemment aujourd’hui les infractions de droit pénal des affaires (escroquerie, abus de biens sociaux, blanchiment, fraude fiscale) il est utile de rappeler que parfois l’extradition s’avère difficile à mettre en œuvre voire impossible.
En effet, par la formulation d’une réserve, la France a indiqué que : « l’extradition sera refusée lorsque la personne réclamée avait la nationalité française au moment des faits ». (Article 6)
Dans le cas d’espèce concernant Lee Zeitouni, les deux chauffards impliqués dans l’accident sont de nationalité française : leur extradition est donc juridiquement impossible à mettre en œuvre.
La seule façon de permettre leur jugement est, conformément à l’article 6-2 de la convention, de saisir la justice française pour les faits commis, les responsables purgeront alors, s’ils sont effectivement condamnés, une peine en France pour ces faits commis en Israël.
Au-delà de ce jugement attendu, le cas Lee Zeitouni pose la question d’une nécessaire évolution de la législation au sujet de l’extradition. En effet, si la France refuse d’extrader ses nationaux, ce n’est pas le cas de l’Etat d’Israël, lequel a, en avril 1999, modifié sa loi sur l’extradition en apportant un changement majeur aux dispositions régissant l’extradition des ressortissants israéliens vers un autre pays.
Avant cette modification, Israël appliquait la règle européenne consistant à ne pas extrader ses ressortissants.
L’amendement à la loi sur l’extradition d’avril 1999 autorise désormais l’extradition des ressortissants israéliens, à condition que la demande d’extradition émane d’un pays avec lequel Israël a conclu un traité d’extradition et que le pays requérant accepte préalablement qu’en cas de condamnation de la personne extradée, elle sera renvoyée en Israël immédiatement pour purger sa peine.
La polémique selon laquelle le principe de réciprocité, principe directeur et fondamental dans les relations juridiques entre Etats signataires, est battu en brèche prend tout son sens.
En effet l’état d’Israël, dans une stricte application des conventions bilatérales signées avec les pays européens, refuse d’être une terre d’asile pour les personnes ayant enfreint la loi d’un pays tiers et extrade par conséquent ses nationaux.
Très contestée, cette divergence de politique pénale entre la France et Israël a récemment fait l’objet de vifs débats devant la Cour Suprême. En effet, le principe de réciprocité doit pouvoir s’interpréter dans son sens le plus large par une parfaite application du parallélisme des formes, c’est-à-dire que l’état d’Israël doit pouvoir autoriser comme refuser l’extradition de la même manière qu’un état contractant tel que la France s’accorde le droit de refuser l’extradition de ses nationaux. Cette faculté devrait permettre d’organiser le procès en Israël des personnes dont l’extradition est demandée par la France.